TRO AZEN

   Journal d'une traversée

de la Bretagne avec un âne

 

 

 

 

 

 


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 Est-ce nécessaire de partir loin pour vivre une aventure ?

C'est à cette question que nous avons voulu répondre . Prendre le temps entre nous pour arpenter ce pays que nous découvrons sans cesse. De fait, qui connais vraiment son pays et les gens qui y vivent ??

Sans moteur, c'est encore le meilleur moyen pour aller à la Rencontre de cette Bretagne du milieu. Notre moteur à nous c'est LuDu ! Notre âne qui nous accompagne, et qui nous ouvrira peut-être les portes du Breizh an Douar !

Mai - Juin 2013

 

Episode II   Presqu'île en floraison

de Crozon à Brasparts

 Samedi 25 Mai 2013

"- Allez, essaies de l'attirer avec du pain ?

- Non, j'vais passer par derrière avec la sangle derrière les mollets !

- Peut-être qu'il appréhende la passerelle en bois ?!"

C'est dans cette ambiance que commence le voyage : deux heures durant on essaie de faire grimper l'âne dans le camion de Gweltaz chez Cahin Cah'âne à Brasparts.

 

LuDu est un âne fougueux, un caractère forgé au granit, il vit à l'année au pré trempé des Monts d'Arrées.

1er bivouac accompagné de Coco au Cap de la Chèvre battu par les vents froids du Nord, on claque des dents.

 

 

ô hisse, la saucisse !

Dimanche 26 Mai

Kilomètre 0 .

En refaisant les sacoches, on s'apercoit de ce qu'on a oublié : sandales, chapeau... porte bébé ! Fébrilité avant le départ. Classique.

Sauf que LuDu le ressent cette tension, et là c'est moins marrant. Pause de midi : il pleut, vente, Abel ne veut pas siester... tout ca s'accumule à une bonne fatigue depuis ces jours de préparation ; c'est chaud moralement, car pour l'instant on porte le bébé à bout de bras.

 

Les côtes de Crozon couvertes de fleurs d'ajonc sont magnifiques. En bas du chemin, les roches découpées, les plages et les kite-surfeurs. Le soir venu, les allées construites sont vides, les grosses baraques attendent les avocats, les chirurgiens de Paris venant passer leur semaine annuelle (dixit un voisin). C'est triste un bord de côte breton. Heureusement un papy fait de la résistance (aux pressions foncières), Paul Raguenez est là dans une vieille maison aux volets bleus. Il a la main leste sur le Pastis d'accueil...  on passe une soirée agréable.

 

 

un peu de chaleur sur cette côte ventée...

Lundi 27 Mai

Le GR34 serpente à travers la presqu'île mais nous finissons sur les p'tites routes. Abel chevauche, il est joyeux !

Nous mettons le camps chez l'asso "Océ'âne". La fille fête ses 20 ans, manque de pot c'est pas la boom...mais une free party jusque 16h ! Nous fermons difficilement l'oeil Boum boum

" On ne se baigne jamais deux fois pareils dans les eaux de la joie

Je prends désormais le changement comme seule loi, IR

 

 

Episode III   Les bastions du Breton

de Brasparts à Rostrenen

 

 Lundi 3 juin

"Va,  fou, mets-toi donc en marche avec toute ta vie et que la route fasse chanter ton corps de roseau sec et tes jambes de vent.

Tandis que le paysage se déroule et que tes pieds et tes genoux s'agitent sous toi,

garde le coeur égal..."

Joseph Jean Lanza del Vasto

Plus que jamais nous avons envie d'en découdre en commençant à arpenter les Monts d'Arrée. D'abord parce que c'est un pays qui nous plaît énormément. Ses paysages chantent la terre et les légendes ; nous découvrons bientôt que ses habitants y sont aussi pour quelque chose. Agnès à Brasparts, Béné à St Rivoal, Jakez et Chantal à St Cadoux, Carole à Botmeur, Gabrielle à Huelgoat, et les gens de "l'autre rive" café perdu dans la forêt à Berrien... On apprend aussi que pour vivre à l'année dans ce qu'on pourrait appeler "le pot d'chambre de la Bretagne" il faut de l'allant pour cultiver le lien et savoir se démultiplier pour faire face à toutes ces manifestations culturelles champêtres qui s'y créent !

 

 

 

instant de calme à l'autre rive dans la fôret d'Huelgoat

 

Il est vrai que par chez nous "les fêtes dans les hangars agricoles" ne sont pas si nombreuses... Mais pour autant, nous ne nous sentons pas en terre étrangère tant nous apercevons d'autocollant anti-aéroport NDDL derrière les voitures .

 

L'âne marche à pas sûr sur le dos du dragon (crête du Roc Trevezel ) nous nous réjouissons de n'apercevoir aucun nuage ! Ineffable état d'apesanteur.

Abel met le grapin sur une p'tite anglaise !

 

 

far-ouest ?!

Un photographe du Parc régional court après nous pour avoir notre cliché dans les brochures de l'office du tourisme . Une famille en balade avec un âne : image d'épinal pour vos vacances de loisir !

Mais nous voyons cela assez différement ; pour nous le Voyage ( à l'étranger ou ici ) n'est pas du repos au sens propre. C'est plus un temps pour être ensemble, ralentir notre rythme effrené, nous mettre au diapason les uns avec les autres.

David, sculpteur de pierres rencontré dans la Vallée des Saints à Carnoët a su mettre des mots sur cet esprit - qui est de remettre son corps en mouvement et s'ouvrir l'appetit pour les choses de la vie.

Réflechir sur nous, notre capacité à nous écouter ( pas simple dans la complexité de tous les jours ) sur nos projets et de fait, notre projet d'installation sur un lieu de vie.

Voir du pays, Rencontrer des gens nous ouvrent les yeux sur de nouvelles perspectives. Bref, vivre dans les Monts d'Arrée ça nous tenterait pas mal !

statues géantes de granite dans la Vallée des Saints

 

Pas de tout repos la route - la sueur, la promiscuité dans la petite tente partagée à 3 avec une fermeture éclair cassée... et puis accepter les apéros même quand on a envie d'aller  se coucher.

La route amène son lot d'imprévu. On ne voudrait pas tout prendre d'ailleurs ! Pause de midi. On s'assoit près d'une charmante rivière pour le pique-nique, un vieux aigri d'agri nous agresse "déguerpissez de mon champs bande de romanos ! Moi je bosse ! " nous récalcitrons, il appelleses chiens et son nerveux de fils, une tête de con . On plie bagages.

Communication impossible. A quoi bon se battre avec eux mon Géraud, tu ne les changeras pas, ni le monde d'ailleurs !

 

un champs où il ne fait pas bon s'étendre

Y'a des bleds comme ça, comme Poullaouen, ce sont des vrai déserts humains - porcheries, grosses exploit' laitières, paysages remembrés, les chiens aboyants derrière le portail. Le mot "hospitalité" a été depuis longtemps oublié.

des amis qui nous veulent du bien ...

 

Un couple de "K-soc' " nous invite juste après (histoire de nous remettre de ces émotions) Animés par l'alcool et la curiosité, ils nous effraient par leurs excès... de méchante générosité ! "Prenez cet argent, ou ch'sais pas ce que j'vais vous faire !" (sans rire) 

Dans cette ruralité brute, peu cultivée parfois, peu aprenne le breton - pas rentable !

On note que les bocages et les locaux vont ensemble, en l'ocurrence quand ils ne sont pas avalés par la grosse machine , le terroir vit encore. Le breton est une langue qui refuse ! Pas la modernité mais de se faire globaliser par une nation. Distinction faite avec le peuple, pour qui le lien proche est vital.

LuDu met la 1ère vitesse !!

Un parallèle qui nous saute aux yeux lorsqu'on arrive à Tremargat. Ici, pas de place aux grandes cultures, la terre, c'est la roche-mère !
Komz a ra brezhoneg evel just, ici ca cause breton, nous passons d'ailleurs par St Nicodème où gît RKB ( Radio Kreiz Breiz ) qui interviewe Vi pour une émission.
A la question "Pourquoi pas d'école Diwan dans le coin, étonnant ?
- Bah parcequ'on n'aime pas l'école ici, on préfère l'apprendre au comptoir!" dixit Tudual au Tremargad Kafé.

Kerellou, la cabane de Christophe

 

 

 

 

 

 

 

On parle d'un village d'irréductibles, mais comment autant de vitalité pour un trou de 192 habitants ???!

C'est un bastion caché dans les rochers où ont pu se regrouper quelques créatifs bon vivants, ( Coriandre, Terrachanvre, potiers, paysans bio, ferme peda...)  un lieu où les énergies dynamisent ceux qui ont du bon sens et des idées.

Nous y séjournons quelques jours chez notre pote Christophe à peine revenu de son tour du monde à vélo (et revoyons par chance Marilia de passage qui s'est installée en Sibérie) Christophe cultive son jardin et ses amitiés.

Enfin, redescente à Rostrenen, pour un décrassage chez Loïck et Sophie.

Le Tremargad, un lieu très spécial !

 

 

 Saveli, Abel . Quand un Sibérien rencontre un Breton

"Vous qui êtes là qui m'écoutez

Si le coeur vient à vous manquer

Si le quotidien vous parait gris

Sachez qu'il est un pays

Où vous devrez vous battre avec le vent la pluie

Chaqu' jour sera une aventure et puis

Vous trouv'rez ce dont vous rêvez où ça ?

Là bas dans les Monts d'Arrée

Alors n'attendez plus et venez où ça ?

Là-bas dans les Monts d'Arrées "

Patrick Ewen

 

 

 

 

Episode IV  Le pays des amis

de Rostrenen à Bubry

Samedi 8 Juin

Nous marchons en terrain conquis. Rostren', nous y sommes passés plus d'une fois. Habitant dans le passé à Cléguerec à moins de 20 bornes. Des potes dispatchés  un peu partout nous accueillent  presque tous les deux jours...

traversée de Mellionnec sous la pluie, un retso ouvrier est bienvenu...

Parfois, nous sommes fourbus par la marche et une pause à Kerbescont (Rostrenen) comme chez Loïck et Sophie nous font un bien fou ! Comment décrire des instants où l'on plonge dans un bain chaud ou qu'on feuillette une BD sous la couette ? Nous savourons ces p'tits bonheur... mais puissance 10 !!! D'autant plus quand on peut par la suite barbaquer, trinquer et rigoler avec des potes !

 champs de blé, barbe au vent

 

Et Abel dans tout ça ? Y s'éclate !

Il a ses deux parents pour lui, il est comme un  maharadjah juché sur sa monture. Il réclame sa "ma-gue-ite" de temps à autre, découvrant de nouvelles fleurs, il chante encore et à tue-tête :

" l'âne tro-tro, trop- trop rigolo

  l'âne tro-tro c'est l'ami qui nous faut..."

Oh oui, il nous soûle parfois. On se dit qu'on aurait bien pris un casque de chantier pour cheminer tranquillement !
Mais rien que de le voir répéter de nouveau trucs chaque jours, on s'émerveille à notre tour.

" Marcher, c'est faire un bout de route avec le temps "

 

On a la tendance récurrente à se blaser, se blinder face à la compléxité du monde. On enfreint nous même une Nature et l'on voudrait que le monde marche selon notre volonté propre. On force. On s'fait mal. Alors qu'on devrait bien souvent laisser faire. Le temps, les choses. Faire un pas de côté, lâcher prise.

Les souffrances, on se les crée et on court après !

pique-nique en terrasse à Guemné S/ Scorff avec Stellane et Eliott

 

Abel, nous aimerions le laisser grandir, garder intacte cette candeur le plus longtemps...

 

Mellionnec - même combat que Tremargat - en se posant devant la petite épicerie "folle avoine" du village, nous voyons défiler une trentaine de jeunes - moitié beatniks, et totalement implantés sur cette commune ; pour preuve ce festival de films d'auteurs qui cartonne (30 juin).  http://www.tyfilms.fr/

Passage au camping alternatif du "Bois du barde" ( Coat ar Barz )  : des yourtes, des animaux, du breton dans une ferme. Ce genre de projet nous inspire, une façon de faire très simple ; on classe cela dans un p'tit tiroir dans la tête.

L'impression de vivre "Carnets de Campagne" grandeur nature parfois !

 

 

La tribu joue la capoeira grâce au pandeiro et au Berim de marche

 

 

Ménorval chez Tante Pica, lumière sur les pierres de taille

Les p'tites routes, les chemins creux, le sentier du halage du canal Nantes à Brest. Nous passons notre temps à déchiffrer le paysage - qu'est ce qu'ils construisent ? qu'est ce qui pousse  ? Est-ce qu'on se verrait vivre ici ?

La pluie nous arrive dessus, on voulait visiter l'éco-quartier de Silfiac, mais une voiture remplie de marmots nous intercepte. Claire, sage-femme de notre âge, nous propose de dormir chez elle. La spontanéité, ça on aime !

On trouve les vieux d'ici souvent farouches. Brassens évoquait les "gens qui sont nés quelque part" nombrilisés par leur village mais n'ouvrant la porte à personne.

Une famille du Nord a beau s'enterrer dans un trou comme Seglien, on découvre qu'une certaine jovialité y a pris racine ; et c'est clair, les fruits récoltés de cet arbre ce sont des gamins épanouis, ça trompe pas ! Nous parlons  de leur voyage d'un an en camion en Am-Sud et de l'équilibre à trouver pour une famille nombreuse. L'école buissonnière peut avoir du bon chez les petits. Laissons-les jouer bon sang !

 

j'ai la même photo : moi, 30 ans en arrière...

Passage à Menorval, manoir de tante Pica puis arrivée pour

le WE à Bubry chez nos potes Simon et Marion .

 

" Je ne sais jamais trop où un chemin me mènera et s'il me mènera quelque part. En revanche, je suis assuré de ce que à quoi il me soustraira : à un assoupissement qui n'est pas une forme de sagesse, à la résignation, au repli sur soi - à et la solitude qui parfois l'accompagne n'a rien d'amer : elle me restitue à ce qu'il y a de grave  et de doux en moi et demeure mon compagnon : le chemin ."

Pierre Sansot

 

l'école de la nature

 

   Episode V   En avant la Tribu !

de Bubry à Hennebont

 

Samedi 15 juin

Chez SiMarion, on s'fait plaisir ! Leur yourte ( faite l'an passé à l'atelier en participatif ) est sur les hauteur d'un moulin que Georges retape patiemment dans une vallée boisée proche de Bubry.

Nous pouvons échanger au calme, parmi les chants d'oiseau et parler de nos futurs projets communs.

 

avec maman, on peut se dégourdir les jambes !

 

                  une yourte made in bannalec

oh la tuile !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Marché de Bubry. Rendez-Vous des p'tits producteurs du coin (...des indiens en quelque sorte ), c'est l'occas' de  revoir des têtes bien connues comme Merwin qui travail à RBG ( Radio Bro Gwened ). La fête de la musique à St Yves nous montre un curieux métissage de la Batuk de Silfiac avec des Troubadours médievaux. Original.

 

( aller au marché, c'est prendre la température d'un village )

Nous descendons ensemble vers Quistinic, et la famille Cram-Cram nous rejoint pour une RANDO FESTIVE ! ( nous sommes une douzaine ).

Celle-ci s'invite à l'improviste chez Gaëtan, Gaëlle et Marie pour un barbak surprise ! La scène est ben folle rendez vous compte, on se retrouve chez des inconnus et le lien se noue à l'aise, dans l'instantané !

Tous ensemble . Un repas que l'on est pas près d'oublier.

 

un âne ça fédère

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

une tablée improvisée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Marion et Matthieu s'occupent du babybel

le "jardin du totem" pour notre quatre heure

Le soir, bivouac en famille -entouré de fubulle, ou midges pour les écossais- près d'une rivière non loin du Blavet. Nous nous douchons à l'eau froide, rapicotant vous dis-je !

La vie "outdoor", c'est ressentir le chaud le froid la faim la fatigue les sensations d'inconfort spartiate et de dénuement -tous ce qui nous fait ressentir vivant en somme !

" Le soir, les vagabonds font griller leurs pensées à la flamme d'un feu . "

Le dernier jour s'écoule le long du Blavet sur le sentier du halage. Il tombe des hallebardes quand nous arrivons enfin aux Haras d'Hennebont où bosse Nolwenn à la sellerie. Pas pire pour finir une marche !

 

Nos deux collègues de la capoeira nous acceuil, nous savons que l'aventure se finie mais que nous allons enchaîner bientôt sur d'autres ...

Virginie part demain dans le nord de la Bretagne pour un entretien à l'école Diwan. Pour l'heure nous détachons nos chaussures trempées.

 

un chemin qui touche à sa fin